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Carnet de campagne de Cochinchine de Jean François Lacour (Carnet 1)

Expédition de l’Indo-Chine 1857 - 1858 - 1859

dimanche 12 avril 2009

J.F. Lacour Campagne de Cochin-chine 1er carnet qui relate son long périple en bateau pour rejoindre Saigon

Le 19 mai, ne recevant pas d’ordre, nous partons de Hong Kong pour aller mouiller à quelques lieues de là, Castle Peak, dans une espèce de rade déserte. Nous devons y faire l’exercice en attendant, dit-on, le mois de novembre, époque à laquelle nous devons aller conquérir l’empire d’Annam ou toutes autres CochinChine.

Nous passons là du 19 mai au 9 juin, par une chaleur énorme, à faire des exercices ridicules pour des canonniers : tout le monde s’ennuie et les hommes commencent à être malades. Si cette vie doit durer, nous serons tous avant le mois d’octobre, morts ou enragés.

Heureusement le 3 juin à midi, après avoir déjeuné et pris un bain de mer, nous fumions la pipe de la consolation quand on vit au grand mât de la gabare le signal de ralliement et quelques minutes après, un coup de canon vint l’appuyer. Un long cri de joie retentit sur toute la ligne est moins d’une heure après nous étions tous rembarqués et le navire se remettait en route pour Hong Kong. Nous étions appelés à rejoindre l’escadre dans le golfe de Petchili, à l’entrée de la rivière de Pého, nous apprenions en même temps la prise des forts à l’entrée de la rivière et nous avions un deuxième chagrin, celui d’avoir manqué cette occasion, comme nous avions raté déjà la prise de canton.

Nous repassons par Hong Kong et nous y mouillons quelques heures seulement pour prendre un peu d’eau et de charbon (départ le 4). Le 11 juin après une navigation des plus douces, moitié à la voile moitié à la vapeur nous arrivons à Woosung près du confluent de la rivière de Shanghai avec celle de Nankin. Nous visitons la petite bourgade chinoise et là seulement nous avons un avant-goût des villes chinoises proprement dites. Des rues étroites et tortueuses couvertes par des toiles ou des nattes, qui leur donnent l’aspect de tortueux et sombres corridors. Nous trouvons des marchands où des ouvriers à chaque maison. La ville nous fait l’effet d’un chef-lieu de canton français et semble peuplée par les ouvriers et les marchands qui desservent une population agricole fort considérable.

La campagne est magnifiquement cultivée et l’on ne voit en friche que les tertres qui recouvrent les tombes des ancêtres. Cette habitude de respecter indéfiniment les sépultures pourra bien, si elle ne se perd pas, enlever à la production la moitié du sol de la Chine. Nous retrouvons ici le blé froment, et la plupart des fruits de France ; mais il paraît que les fruits sont cueillis avant d’être mûr, car nous voyons des prunes et des abricots magnifiques d’enveloppe et durs à l’intérieur.

Les cultures principales sont les rizières, pour en assurer le [ ] on a fait des travaux d’endiguement et d’irrigation considérable. Nous remarquons une sorte de noria, formé de palettes montées sur une chaîne articulée et mise en mouvement par une roue est une manivelle.

L’eau des [ ] est élevée ainsi de 60 à 80 cm c’est-à-dire des canaux principaux à la surface des terres cultivées. En somme la vue de la campagne nous a laissé une impression très favorable est certes on peut comparer les cultures chinoises aux plus belles de France. Une remarque attristante vient faire tache au tableau de la vie des champs, c’est que les femmes qui travaillent à la terre ont ici presque toutes de petits pieds et semblent plutôt des Invalides que des ouvrières bien qu’elles soient d’ailleurs généralement assez grasses et n’est pas l’air de se douter de leur infirmité.

Nous visitons la batterie située au confluent des deux rivières. Un immense épaulement suivant pendant plusieurs lieues le contour de la côte, revêtu sur une grande portion de son étendue est percé de larges embrasures, présentes au navire entrant dans le fleuve un aspect formidable mais on y voit simplement quelque mauvais canon, et les deux fortins qui formaient l’entrée de la rivière de Shanghai sont complètement démolis.

Les canons qui restent en place sont en fonte de fer. Les formes sont celles de tous les canons possibles, sauf les tourillons qui sont fortement coniques. Ces bouches à feu doivent avoir été coulées debout, à noyau et sans masselotte au-dessus des boutons de culasse, car on reconnaît parfaitement la surface du jet sur le derrière du bouton.

Une autre observation que je vérifierais si je le puis, c’est que le métal autour de l’âme ne paraît pas du tout le même que celui de l’enveloppe. Il semblerait qu’on a fabriqué d’abord le tube entourant l’âme et qu’on a complété le canon en coulant le reste par-dessus.


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