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Carnet de campagne de Cochinchine de Jean François Lacour (Carnet 1)

Expédition de l’Indo-Chine 1857 - 1858 - 1859

dimanche 12 avril 2009

J.F. Lacour Campagne de Cochin-chine 1er carnet qui relate son long périple en bateau pour rejoindre Saigon

Une jonque de louage nous ramène à Voosuney et peu après nous continuons notre route vers Yu-li-Kan (île de caïman) où doivent se réunir tous les navires de l’expédition de Cochinchine. Je trouve là mon camarade Terrasse qui amène la seconde moitié de la compagnie. Tous les bâtiments étant prêts, moins la Dordogne qui apporte les Espagnols de Manille, on se met en route et le 31 août au soir l’armée mouille devant l’entrée de la rade de Touranne. Le lendemain au point du jour les bâtiments s’embossent devant les forts. Une sommation est envoyée au fort de l’observatoire et l’amiral donne à l’ennemi deux heures pour nous remettre les ouvrages défensifs. À 9 h 30 le délai expirant sans que les cochinchinois aient donné signe de vie le feu s’ouvrit sur toute la ligne et l’ennemi effrayée par notre artillerie abandonnait les forts et se retirer vers les forts du fonds de la baie par des chemins tracés au milieu des broussailles de la côte.

Les troupes de débarquement furent immédiatement mises à terre et occupèrent les forts. Le soir même l’armée active allait camper sur la presqu’île de Tien-tchu. Les deux grands forts qui défendaient l’entrée de la rivière, furent ruinés par l’explosion de leurs magasins à poudres. Attaquer en grande partie par les canonniers, le fort de l’Est sauta après une demi-heure de tir et le fort de l’Ouest, canonné lentement pendant le reste de la journée et la nuit du 1 au 2 septembre, sauta le 2 au matin. Les deux ouvrages, bien entretenus et bien armés, de construction toute française, étaient susceptibles d’une défense très vigoureuse, mais l’ennemi effrayé, par l’explosion n’essaya pas de les défendre et tous deux furent occupés sans difficulté. Le 2 au soir je me rends au fort de l’Est pour détruire le matériel d’artillerie, au retour de cette opération terminée à la nuit nous sommes surpris par un orage épouvantable et rejoignions à grand-peine le Camp trempés jusqu’aux os. Le lendemain la même opération est faite au fort de l’Ouest.

Nous campons pendant un mois sur la presqu’île, l’ennemi occupe la rive gauche de la rivière et de temps en temps, les embarcations qui naviguent, échangent des coups de fusil avec les vedettes ennemies. Deux matelots sortis du camp pour aller chercher fortune dans la ville de Touranne abandonné de ses habitants, sont pris par l’ennemi. L’un d’eux à la tête coupée et l’autre promené pendant plusieurs jours dans une cage d’osier, avec la tête de son compagnon, et ensuite renvoyé au camp avec une lettre pour l’amiral.

Pendant le mois nous construisons une batterie qui doit servir d’avant-poste à la position définitive que nous devons occuper. Notre infortuné camarade, Labbre capitaine chef du génie, meurt au moment où l’on termine la batterie et l’amiral en souvenir du dévouement et du zèle que Labbre toujours souffrant, n’avait cessé de déployer, donne son nom à l’ouvrage que nous venons d’élever.

De l’autre côté on démonte les maisons et les pagodes de la ville, les tuiles et les matériaux sont amenés et mis en réserve pour édifier des magasins et les casernes. Enfin le 1er octobre nous quittons le camp pour aller nous établir sur le penchant des montagnes qui ferment la rade du côté du Nord et de l’Est.

À partir de cette époque, commence pour nous une ère de travail et de fatigue. Les forts de l’ennemi sont modifiés et réparés. Les canons chinois font place aux canons de la marine, des routes s’exécutent dans toutes les directions. Des blockhaus sont élevés sur les points à surveiller et à la fin de décembre, la position que nous occupons a Touranne est en état de se défendre honorablement, même contre un ennemi européen.


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