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Carnet de campagne de Cochinchine de Jean François Lacour (Carnet 1)

Expédition de l’Indo-Chine 1857 - 1858 - 1859

dimanche 12 avril 2009

J.F. Lacour Campagne de Cochin-chine 1er carnet qui relate son long périple en bateau pour rejoindre Saigon

La ville du Cap est entourée de montagnes élevées et taillées à-pic vers leur sommet, sur une hauteur de 100 m environ à la base de ces rochers commencent des pentes assez raides couvertes de bruyères et de pins plus les pentes s’adoucissent et c’est sur la partie presque horizontale qu’est bâti la ville. Les rues sont larges et bien percées, sablées est pavées seulement à l’emplacement des ruisseaux. La ville est éclairée au gaz et de nombreuses fontaines fermées par des robinets alimentent les diverses rues ; les policemen paisibles et sérieux rappellent ceux d’Angleterre, tout enfin montre le soin avec lequel est conduit et administré ce beau pays, et assuré la sécurité des habitants et des étrangers.

Des voitures Deplace stationnent sur la grande place et de nombreux omnibus desservent les localités qui environnent la ville. Les maisons n’ont en général qu’un étage, et sont spacieuses et bien aérées. Le style et sévère, même un peu froid, comme celui des constructions anglaises ; quelques maisons cependant sont assez belles d’ornementation et ont été sans doute bâties par des hollandais ou des Français. Tout au Cap respire le confortable et le bien-être et nous ne tardons pas à reconnaître que l’argent dans ce pays, comme dans toutes les contrées riches et florissantes, n’a pas grande valeur. Heureusement nous avons devant nous deux mois d’économie pour réparer les brèches faites à nos pauvres bourses d’officiers français.

Le plus curieux établissement du Cap et le jardin zoologique. On y trouve réunis presque toutes les plaintes coloniales et celles d’Europe. Entretenue par les soins d’une société de souscripteurs, ce jardin offre aux botanistes un curieux sujet d’étude. Pour moi je me contente d’admirer un magnifique poirier, haut comme un grand chêne, chargé de poires magnifiques qui me font venir l’eau à la bouche.

Je visite ensuite le musée de la ville. On y trouve presque tous les animaux de l’Afrique du sud, des échantillons minéralogiques, des armes de coffres de hottentots, de malais et de chinois, enfin un assemblage bizarre d’objets dont je n’ai pas saisi l’intérêt : une veste portée par lord Byron, les bottes d’hiver d’un Russe en Crimée, un fusil et des livres hollandais, une platine à percussion russe etc. etc..

Enfin je ne dois pas oublier de signaler les nombreuses églises de diverses religions, catholiques, presbytériennes, musulmanes etc. qu’on rencontre à chaque pas. Les banques sont également fort nombreuses et j’en ai compté une vingtaine. Comme dans toutes les villes anglaises, pas de café.

Nous faisons quelques promenades aux environs et la campagne est magnifique. À côté de la végétation européenne nous retrouvons quelques arbres coloniaux, mais ils sont en général moins développés que dans les régions intertropicales.

Le 3 mars nous mettons à la voile de nouveaux pour commencer la seconde étape. Nous voyageons pendant une quinzaine de jours à la voile et par beau temps, sous la latitude tempérée du Cap ; puis nous remontons vers les tropiques est naturellement la température augmente et nous recommençons à cuire, enfin on atteint la ligne et à quelques minutes au-delà nous arrivons à Singapour le 18 avril.

La ville est bien percée et bien bâtie ; au moins en ce qui est des maisons anglaises. Nous commençons à trouver des malais et des Chinois. Tous les industriels et les petits marchands sont de cette nation ; ils sont en général groupés par profession dans le même quartier et les noms de rues sont aussi en harmonie avec cette habitude. On trouve la rue des charpentiers, des forgerons etc. Aux portes de la ville, dans les terres basses et noyées par les marées on trouve un quartier chinois, composé de maisons en bambous et en roseaux, élevées sur pilotis est habitées par une population nombreuse. Les édifices anglais à Singapour sont les mêmes que partout, la maison de ville, la prison, la loge maçonnique, les temples n’ont de remarquables que leurs larges dimensions et le soin qu’on a mis à les aérer et à les préserver de la chaleur, qui est accablante. Nous avons la chance de trouver un hôtel de l’espérance tenue par une française, grosse maman fraîche et bien conservée qui a dû faire dans son jeune temps une femme charmante ; pour deuxième chance nous trouvons dans cet hôtel deux jeunes Français qui y vivent et sont employés dans les maisons de commerce. Entre compatriotes la connaissance se fait vite ; le capitaine du génie et moi, qui avons pris une chambre afin de fuir notre affreux bateau, au moins pour quelques jours, faisons ample camaraderie et ses deux braves jeunes gens se mettent en quatre pour nous. Grâce à leurs bons soins nous pouvons visiter la ville un peu en détail et sans être embarrassés, car l’un d’eux parle le malais du pays et tous deux l’anglais.


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